RECLAIMING
Sorcière. Toi qui a été chassée, traquée, persécutée. Tu es l’incarnation d’une forme de résistance.
Le terme witch évoque étymologiquement l’action de plier, de tordre. C’est une entité qui peut changer le destin. Elle se situe à la frontière de la périphérie, dans l'entre-deux. Ce terme définissait auparavant les adeptes d’anciennes traditions païennes qui vouaient un culte à la terre. La sorcière est la maleficar, celle qui a des dons qui lui viennent de la Nature. La bruja ou la strige font appel à l’idée d’un esprit nocturne qui voyagerait dans les airs, ni bon ni mauvais, souvent métamorphosé en oiseau, qui pourrait entrer dans les maisons, venir se connecter aux humain·e·s. Marginalisées parce que branchées sur un autre registre de valeur au monde, une autre lecture de leur milieu, les sorcières s’engagent dans un système de connexions, dépassant une binarité entre corps et esprit, vie et mort. Leur caractère dangereux émane certainement de la peur de l’inexplicable, l’insaisissable, la peur du hors-culture. Elles bousculent les perspectives, les frontières entre objet et sujet, humain·e et non-humain·e. Ces notions ne faisant plus sens, elles permettent d’autres manières de vivre possible, d’envisager le monde.
La Magie est l’art de changer de conscience à volonté. La sorcellerie serait alors l’ensemble de ces actes, gestes, paroles, symboles, prières qui participent à la célébration de cette magie, ces nouvelles connexions, à travers les rites. C’est l’idée qu’il ne suffit plus de dénoncer, mais de réinvestir l’expérience vécue ; d’agir. Comment revaloriser ce qui a été disqualifié ? Reclaim : réapproprie-toi et nourris-toi de l’expérience située. L’expérience du care, de la préoccupation, la compassion, l’intime, la spiritualité, la mise en commun... Réinvestir ce lien à la Nature, catégorisé dans un paradigme binaire face à la Culture depuis trop longtemps.
Il me semble que ce qui peut être plus redoutable encore que les sorcières est leur union. Les sorcières sont ces adventices, ces mauvaises herbes insidieuses qui font exploser la hiérarchisation verticale, les frontières avec le sauvage, et qui prennent place sur les territoires, créent des écosystèmes, afin de créer de nouveaux refuges. Je pars à la rencontre des sorcières contemporaines, qui se relient, par de multiples rituels singuliers, propres à leurs individualités et territoires, aux forces que l’on a tenté d’anéantir, de mettre en marge ou de disqualifier.
Sorcières, emmenez-moi au Sabbat.
Série photographique documentaire réalisée en 2021 collaboration avec le collectif Makrâl, autour des notions de rituel et de performance in situ en forêt.